Elie Baup, consultant chez Canal+, a été interrogé par Sud Ouest sur son club de coeur : les Girondins. Le sujet principal de cette interview est forcément la descente aux enfers des Bordelais depuis 2009. L’entraîneur qui a passé 6 ans en Gironde (dont un en tant qu’adjoint) est inquiet par ce début de saison médiocre des Girondins. Pour Elie Baup le plus important est la reconstruction d’une nouvelle défense et il n’hésite pas à le faire savoir : « La priorité, ce doit être le retour d’une vraie solidité défensive. Avant de penser à être flamboyant, il faut d’abord assurer ses bases arrières, prendre moins de buts. »

Elie, que vous inspire le classement actuel des Girondins (18e, situation de premier relégable après dix journées) ?

C’est difficile d’en parler, vu de l’extérieur, quand on n’est pas dans le groupe, dans la vie du club au quotidien. Mais une chose est sûre, il y a des mauvais résultats qui s’enchaînent depuis un an et demi. Cette situation persiste aujourd’hui et on a l’impression que l’équipe ne parvient pas à relever la tête. Après, il faut être prudent, d’autant que je n’ai pas assisté à tous les matchs.

Que manque-t-il, selon vous, pour sortir de cette spirale négative ?

Il y a aujourd’hui des bases élémentaires qu’on ne retrouve plus. La force d’une équipe, c’est un mélange de beaucoup de choses : mental, technique, physique, intelligence de jeu. A Bordeaux, tous ces paramètres sont déficients à tour de rôle. Il y a beaucoup de fébrilité, des fautes techniques, des manques athlétiques, etc. La priorité, ce doit être le retour d’une vraie solidité défensive. Avant de penser à être flamboyant, il faut d’abord assurer ses bases arrières, prendre moins de buts. C’est pourtant une tradition de ce club. Les équipes qui ont eu du succès à Bordeaux par le passé ont toujours été bonnes dans la récupération du ballon et la solidité défensive. Il faut retrouver cela.

En l’état, les choses sont-elles encore rattrapables ?

Il n’y a que dix matches, c’est tout. Il en reste 28. Mais il ne faut plus perdre de temps. Chacun doit prendre conscience que le club est relégable aujourd’hui. Ce n’est quand même pas rien ! La situation est grave, il ne faut pas la banaliser, dire que ce n’est rien, que c’est Bordeaux et que ça va forcément aller.

Il y a pas mal de similitudes avec l’AS Monaco, qui s’est traîné toute la saison dernière en bas de tableau, avant d’être finalement reléguée en Ligue 2…

Oui, il y a des similitudes, l’exemple doit servir de leçon. A Bordeaux, il y a la chance d’avoir de la stabilité au sein de la direction et de l’expérience. Le discours doit être commun, l’unité très forte. Les joueurs ne doivent pas trouver des parades et s’engouffrer dans une situation de complaisance.

L’ennui, c’est qu’il règne toujours une certaine torpeur autour du Haillan. Les Girondins sont-ils un club trop « cool »?

J’ai eu la chance de bien le connaître ce club. On me disait la même chose, que tout était tranquille à Bordeaux. Pourtant, on a eu des résultats. Comment ? En se surpassant, en forçant notre destin. Aujourd’hui, c’est pareil. Pour s’en sortir, l’équipe doit se surpasser pour changer le cours des choses. La solution doit venir du terrain, elle n’est pas dans la littérature.  Les joueurs doivent comprendre qu’on a déjà atteint la limite.

Mais comment des joueurs qui ont notamment participé au titre de 2009 ont-il pu tomber si bas ?

Le passé, c’est le passé, ça sert à quoi d’en parler encore ? L’urgence, elle est aujourd’hui. Arrêtons de parler des titres. Bordeaux est un grand club, mais il est maintenant en danger.

Mais n’y a-t-il pas simplement un manque de talent dans cette équipe ?

Il y a des joueurs qui ont du potentiel, mais la défense n’est pas assez stable. En milieu, ça va, avec Nguemo ou Maurice-Belay qui sont de bonnes recrues… (Il réfléchit). En fait, la chance de Bordeaux, c’est qu’il y a une dizaine d’équipes du même niveau en Ligue 1. En étant solidaires et valeureux, les Girondins peuvent tout à fait s’en sortir. Je ne parle pas d’aller chercher une coupe d’Europe, hein ? Je dis juste que devancer ces huit-dix équipes, c’est possible.

En somme, Bordeaux est devenu un club quelconque…

Ce ne sera jamais un club quelconque, de par son passé, son histoire. Mais comme je viens de le dire, cela ne suffit pas. Il n’y a qu’à voir où en sont Nantes ou Monaco.

Comment faire prendre conscience aux joueurs qu’ils vont dans le mur ?

Il y a mille leviers ! Président, administratif, entraîneur, supporters, environnement, tout le monde a pris conscience de la situation. Les joueurs doivent être à l’unisson. Je ne connais pas ce groupe, mais parmi les solutions, il y a taper dans le tas, gratifier les plus méritants, faire la bringue tous ensemble, être hyper sévère… On peut même procéder à des réductions de salaire. Tout peut être envisagé. Cela ne veut pas dire que les joueurs vont tout gagner, tout réussir, mais ils vont peut-être au moins essayer de renverser des montagnes !

Les dirigeants ont-ils leur part de responsabilité ?

Personne ne peut être épargné ni être désigné comme seul responsable. Dire que M6 ou le président sont fautifs, c’est une échappatoire qui arrange sans doute les joueurs. Personne ne doit se dédouaner ni montrer les autres du doigt. Tout le monde a sa part de responsabilité.

Mais désormais, Bordeaux ne recrute plus d’internationaux, simplement des joueurs honnêtes de Ligue 1…

A quoi ça sert d’évoquer Chamakh ou Gourcuff aujourd’hui ? Que je sache, lors de la deuxième moitié de saison à la fin de l’ère Laurent Blanc, les résultats n’étaient pas meilleurs et pourtant il y avait plein d’internationaux dans l’équipe !

Francis Gillot est-il l’homme de la situation ?

(Il s’agace) L’an dernier c’était soit-disant la faute de Tigana. Maintenant, ce serait celle de Francis Gillot ? Put… c’est trop facile ! Arrêtons de parler des individus. La mobilisation doit être générale.

Franchement, si on vous l’avait proposée, vous l’auriez prise cette équipe à l’intersaison ?

Je serais revenu en marchant s’il l’avait fallu ! Même avec cette équipe, il y a de l’espoir. J’aime les gens à Bordeaux. J’ai eu ma part de responsabilité dans la fin de mon histoire avec ce club (NDLR : Elie Baup a contesté son licenciement aux prud’hommes et a gagné), mais tout le reste, je ne peux pas l’enlever. Ma carrière d’entraîneur est là. Tenez, j’ai assisté à la présentation du Tour de France mardi. Des coureurs comme Evans ou Vinokourov m’ont parlé de Bordeaux, pas de Nantes, Saint-Etienne ou Toulouse (NDLR : où il a entraîné aussi).

Vous comprenez donc ce qui a poussé Francis Gillot à tenter le challenge bordelais…

Bien sûr ! Je comprends qu’il soit venu à Bordeaux même s’il était en situation de réussite à Sochaux. C’était une opportunité intéressante pour lui. Moi aussi je l’aurais saisie, surtout que je n’ai pas de boulot en ce moment… (il rigole) En tout cas, on est tous derrière Bordeaux, voilà !

 

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